Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/6

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trois gages, quand les enfants étoient mineurs : Nivelle pour Croy, Remenecour pour Salm, et Épinal pour Bassompierre. Voici d’où vient cette fable.

On dit que ce comte d’Angeweiller rencontra un jour une fée, comme il revenoit de la chasse, couchée sur une couchette de bois, bien travaillée selon le temps, dans une chambre qui étoit au-dessus de la porte du château d’Angeweiller : c’étoit un lundi. Depuis, durant l’espace de quinze ans, la fée ne manquoit pas de s’y rendre tous les lundis, et le comte l’y alloit trouver. Il avoit accoutumé de coucher sur ce portail, quand il revenoit tard de la chasse, ou qu’il y alloit de grand matin, et qu’il ne vouloit pas réveiller sa femme ; car cela étoit loin du donjon. Enfin, la comtesse ayant remarqué que tous les lundis il couchoit sans faute dans cette chambre, et qu’il ne manquoit jamais d’aller à la chasse ce jour-là, quelque temps qu’il fît, elle voulut savoir ce que c’étoit, et ayant fait faire une fausse clef, elle le surprend couché avec une belle femme ; ils étoient endormis. Elle se contenta d’ôter le couvre-chef de cette femme de dessus une chaise, et après l’avoir étendu sur le pied du lit, elle s’en alla sans faire aucun bruit. La fée, se voyant découverte, dit au comte qu’elle ne pouvoit plus le voir, ni là, ni ailleurs ; et après avoir pleuré l’un et l’autre, elle lui dit que sa destinée l’obligeoit à s’éloigner de lui de plus de cent lieues ; mais que pour marque de son amour elle lui donnoit un gobelet, une cuiller et une bague, qu’il donneroit à trois filles qu’il avoit, et que ces choses apporteroient bonheur dans les maisons dans lesquelles elles entreroient, tandis qu’on y garderoit ces gages ; que si quel-