Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/7

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qu’un déroboit l’un de ces gages, tout malheur lui arriveroit. Cela a paru dans la maison de M. de Pange, seigneur lorrain, qui déroba au prince de Salm la bague qu’il avoit au doigt, un jour qu’il le trouva assoupi pour avoir trop bu. Ce M. de Pange avoit quarante mille écus de revenu, il avoit de belles terres, étoit surintendant des finances du duc de Lorraine. Cependant, à son retour d’Espagne, où il ne fit rien, quoiqu’il y eût été fort long-temps, et y eût fait bien de la dépense (il y étoit ambassadeur pour obtenir une fille du roi Philippe II pour son maître), il trouva sa femme grosse du fait d’un Jésuite ; tout son bien se dissipa ; il mourut de regret ; et trois filles qu’il avoit mariées furent toutes trois des abandonnées. On ne sauroit dire de quelle matière sont ces gages ; cela est rude et grossier.

La marquise d’Havré, de la maison de Croy[1], en montrant le gobelet, le laissa tomber ; il se cassa en plusieurs pièces, elle les ramassa et les remit dans l’étui en disant : « Si je ne puis l’avoir entier, je l’aurai au moins par morceaux. » Le lendemain, en ouvrant l’étui, elle trouva le gobelet aussi entier que devant. Voilà une belle petite fable[2].

Le père du maréchal étoit grand ligueur ; M. de Guise l’appeloit l’ami du cœur : c’étoit un homme de service. Ce fut chez lui que la Ligue fut jurée entre les

  1. Ce ne peut être que Diane de Dampmartin, comtesse de Fontenoy, et dame en partie de Vistingen, femme de Charles-Philippe de Croy, marquis d’Havré. Ils sont la tige des marquis d’Havré.
  2. Cette fable est tout-à-fait dans le genre de celle de la fée Mélusine, dont la maison de Lusignan a la prétention de descendre.