Page:Tallemant des Réaux - Les historiettes, tome 3.djvu/64

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aujourd’hui le maréchal de Clérambault, qu’il avoit servi contre Gassion, car le cardinal de Richelieu l’avoit trouvé fort mauvais. Au retour, il apporta des bagues de cornaline fort jolies. Mademoiselle de Rohan en prit une ; mais il ne la trouva point convertie, au contraire. À quelque temps de là, il sut par le moyen de Jeanneton qu’elle avoit donné cette bague à Chabot.

Un jour il les trouve tous deux jouant aux jonchets ; il se met à jouer, et voit la bague au doigt de Chabot. Il lui demande à la voir, et se la met au doigt. Chabot la lui redemande : « Je vous la rendrai demain, lui dit-il. J’ai à aller ce soir en compagnie, j’y veux un peu faire la belle main. » Chabot la redemande par plusieurs fois. « Voyez-vous, lui répond Ruvigny, je me suis mis dans la tête de ne vous la rendre que demain. » Enfin, mademoiselle de Rohan la lui demanda, il la lui rendit. Il se retire : mademoiselle de Rohan lui envoie son écuyer à minuit pour le prier de venir parler à elle. « Je serai, répondit-il, demain au point du jour chez elle si elle veut. » L’écuyer revient lui dire que mademoiselle le viendroit trouver s’il n’alloit lui parler. Il y va ; elle le prie de ne point avoir de démêlé avec Chabot : il le lui promet. Quelques jours après il rencontre Chabot sur l’escalier de mademoiselle de Rohan, qui le salue et lui laisse la

    Elle avoit de plaisants accès de dévotion. Au milieu d’une conversation enjouée, elle s’alloit enfermer dans son cabinet, et y faisoit une prière ; puis elle revenoit.

    Un grand seigneur d’Angleterre devint amoureux d’elle à Paris, et l’épousa. Elle est morte, il y a près de quinze ans, et a laissé deux filles qui ont été mariées en Angleterre. Elle avoit été accordée avec le marquis de Mirambeau. (T.)