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comme on lui a, ce matin, demandé un bouillon pour M. de Rohan, a dit que M. de Rohan étoit mort, et que les morts n’avoient que faire de bouillon ; que pour Chabot, il s’en passeroit bien s’il vouloit. » On ajoute que cela avoit un peu mortifié la demoiselle[1].

Le peu de réputation de Chabot pour la bravoure, sa gueuserie, et la danse dont il faisoit son capital, faisoient qu’on en disoit beaucoup plus qu’il n’y en avoit. Il étoit bien fait, et ne manquoit point d’esprit. Le marquis de Saint-Luc, ami intime de Ruvigny, un jour au Palais-Royal, à je ne sais quel grand bal, comme on eut ordonné aux violons de passer d’un lieu dans un autre, dit tout haut : « Ils n’en feront rien, si on ne leur donne un brevet de duc à chacun, » voulant dire que Chabot qui avoit fait une courante, et qu’on appeloit Chabot la courante, car il avoit deux autres frères, n’étoit qu’un violon.

Madame de Choisy dit à mademoiselle de Rohan, lorsqu’elle la vit mariée : « Madame, Dieu vous fasse la grâce de n’avoir jamais les yeux bien ouverts, et de ne voir jamais bien ce que vous venez de faire. »

Elle avoit une demoiselle fort bien faite, qu’on appeloit Du Genet ; elle étoit ma parente. Cette fille la quitta, et lui dit : « Après la manière dont vous vous êtes mariée, j’aurois peur que vous ne me mariassiez à votre grand laquais. » Elle vint chez mon père, et nous la fîmes conduire en Poitou chez le sien, qui étoit un nobilis assez mince. Pour Jeanneton, elle

  1. Dans le contrat de mariage, elle a consenti que ses enfants fussent élevés à la religion catholique. (T.)