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bot étoit bien fière. À Rennes, une femme de conseiller, il y en a de bonne maison, voyant que cette fille vouloit passer devant elle, la retint par sa robe, et, prenant le devant, lui dit : « Mademoiselle, ce n’est pas votre tour à passer : vous attendrez, s’il vous plaît, que vous soyez mariée. »

Madame de Rohan devint laide, dès son premier enfant, et fort chagrine ; peut-être étoit-ce de n’avoir eu qu’une fille[1].

La guerre de Paris leur alloit être funeste, car Tancrède, que sa mère renvoya à Paris, pour profiter de l’occasion, alloit être reçu duc de Rohan au Parlement, et eût bien fait de la peine à Chabot, car il étoit brave, et ses Bretons l’eussent mis en possession des terres de la maison de Rohan ; mais il fut tué auprès du bois de Vincennes, en une misérable rencontre[2]. Se sentant blessé à mort, il ne voulut jamais dire qui il étoit, et parla toujours hollandois. Il avoit été mené au bois de Vincennes.

Ce garçon disoit : « M. le Prince me menace, il dit qu’il me maltraitera ; mais il ne me fera point quitter le pavé. » Un jour que Ruvigny, qui s’étoit attaché à la mère, lui disoit qu’il se tuoit à faire tant d’exercices violents : « Voyez-vous, répondit-il, monsieur, en l’état où je suis, il ne faut pas s’endormir ; si je ne vaux quelque chose, il n’y a plus de ressources pour

  1. À la naissance de la seconde, pensant attraper sa mère, elle lui fit dire que si elle vouloit la présenter au baptême, M. de Rohan consentiroit qu’on la baptisât à Charenton, et qu’elle choisiroit tel compère qu’il lui plairoit. La mère répondit : « Très-volontiers ; dites à ma fille que je la tiendrai avec son frère. » (T.)
  2. Le 1er février 1649.