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DOCUMENTS INÉDITS SUR GASSENDI.

aussitôt à l’estude pour jusqu’à huict heures du soir, qu’il fesoit sa collation, après laquelle il se promenoit un peu dans sa chambre, puis se mettait au lit sur les neuf heures ou neuf heures et demie[1].

La toux l’incommodoit souventes fois, la nuit et bien plus que le jour, si bien qu’aucune fois il ne se reposoit point, demandoit de la chandelle mettoit à l’estude des deux à trois heures[2].

Il avoit coustume de tenir tousjours devant ses yeux un morceau de papier, le mettant dans son chapeau ou son bonnet, lorsqu’il estudoit à la chandele pour empescher la grande lumière de ne blesser la veue ; et le jour aussi pour empescher la clarté, etc. Il avoit aussi la veue fort bonne.

Il avoit coustume d’escrire fort menu et viste ; il aimoit mieux tout escrire de luy mesme que de dicter, à cause que le parler luy faisait mal. C’estoit rarement qu’il luy (c’est-à-dire à son secrétaire) dictoit, mais aucune fois il se faisait dicter des passages, etc., afin de les escrire plus viste.

Tousjours estant à table, il avait la plume à la main ou lisoit dans des livres.

Il n’approchoit jamais du feu, mais il s’habilloit fort chaudement, et se chaussoit de mesme.

Il se tenoit fort droit lorsqu’il écrivoit, et il escrivoit bien lisiblement sans y prendre aucune peine.

Il avoit tant de patience et de perseverance au travail qu’il ne s’estonnoit pas pour escrire des rames de papier tout de suite, sans discontinuer.

Lorsqu’il ne pouvoit sortir pour s’aller promener dans la campagne, il se promenoit dans sa chambre et fesoit ainsy autant de chemin (que) s’il eust été bien loin.

Lorsqu’il estoit à Digne, après disner, presque tous les jours, il montait une heure ou deux à cheval, se promenant dans les champs, aucunes fois à pied.

Lorsqu’il estait à Paris, de ses amis le venoient aucunes fois prendre en carosse et sortoient de la ville se promener[3] ; aucunes fois il se contentoit de se promener dans le jardin.

  1. Bernier et La Poterie ne pouvaient qu’être d’accord sur les habitudes d’un savant qu’ils avaient si bien connu : aussi ne faut-il pas s’étonner de lire dans la Préface si souvent citée que Gassendi se levait trois ou quatre heures tous les matins, quelquefois même à deux travaillait jusqu’à onze, puis, de nouveau, de trois heures de l’après-midi jusqu’à huit, où il soupait assez légèrement, se couchant régulièrement entre neuf et dix. Bernier n’a-t-il pas raison d’ajouter qu’il n’y a jamais eu de philosophe qui ait autant étudié ?
  2. Ces renseignements, ainsi que les renseignements qui suivent, manquent aussi bien dans les notices ou discours de Bernier, de Sorbière, de Taxil, que dans le livre de Bougerel.
  3. On allait ainsi tantôt à Gentilly chez Gabriel Naudé, tantôt dans la maison de campagne de quelque autre ami. Il en est qui ont osé faire de ces promenades des parties de débauche. Ils ont oublié que Gassendi était, comme Épicure, le plus sobre des hommes et que c’était notamment un buveur d’eau, comme l’atteste Guy Patin qui fut quelquefois son gai compagnon. (Lettre du 27 août 1648.) On voit par une lettre de notre philosophe à Neuré (octobre 1653) qu’en l’année 1631 ces promenades champêtres avaient produit un livre très-sérieux, résumé des doctes conversations de Diedati, de Gassendi, de La Mothe-le-Vayer, de Neuré et de Gabriel Naudé