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DOCUMENTS INÉDITS SUR GASSENDI.

Lorsqu’il estoit à Aix ou à Tolon, il s’en alloit promener dans les oliviers avec de ses amis philosophant[1].

Lorsqu’il estoit en voyage, tousjours il fesoit suivre ses livres et tousjours il estudioit. Lorsqu’il estoit malade et qu’il pouvoit suporter la lecture, il se fesoit lire ou escrivoit dans le lict, si bien que l’on peut dire qu’il n’a point perdu le temps, car il estoit très marry lorsqu’il ne pouvoit estudier, et il disoit qu’il estoit mesme malade lorsqu’il ne le pouvoit pas faire. Quand on le venoit destourner de son estude du matin principalement, il n’estoit pas trop aise, quoyque jamais il n’eust la herdiesse d’en tesmoigner le moindre mescontentement. Il recevoit toujours son monde fort aimablement, joyeusement et civilement.

Il avoit leu tous les bons autheurs, historiens, philosophes, humanistes et avoit la mémoire si bonne, qu’il sçavoit presque tout ce qu’ils contiennent de curieux et utile.

Il aimoit tant l’estude et trouvait le temps si cher et si précieux qu’il ne vouloit point le perdre en se fesant raser le poil[2]. Seulement se contentoit-il, n’ayant jamais voulu passer pour joly[3] de se le couper luy-mesme avec ses petits ciseaux d’estuy, quand il s’en ressouvenoit, et cela en estudiant.


Sa façon d’observer.


Dans sa jeunesse, il fut fort curieux d’observer les choses célestes. Il prenoit un plaisir très-particulier d’observer ; il oublioit sa santé, demeurait des nuicts entières à l’air, au froid[4] au serain, et je luy ay souvent ouy dire qu’il ne pouvoit point s’en empescher, qu’il estoit comme le chat après la

    lequel publia ce livre à Rome, en 1697, in-4o, sous le titre de Syntagma de militari Studio. Parmi les vils calomniateurs de Gassendi, il faut mettre au premier rang un mauvais drôle nommé Jacques Bouchard, dont les Mémoires inédits, écrits avec le cynisme le plus révoltant, ont été cités par M. Paulin Paris (Historiettes de Tallemant des Réaux, t. IV, p. 197). Les récits de Bouchard qui d’ailleurs n’atteignent qu’indirectement Gassendi et qui lui attribueraient surtout des amitiés compromettantes et de fâcheux voisinages, s’évanouissent devant cet éloge du peu suspect Guy Patin (Lettre du 8 janvier 1649) : « C’est un abrégé de vertu morale et de toutes les belles sciences. »

  1. Ceci ferait penser aux Péripapéticien, s’il ne s’agissait d’adversaires d’Aristote.
  2. Détail totalement nouveau et qui par sa singularité même méritait d’être connu.
  3. On peut voir le beau portrait de Gassendi par Nanteuil, en tête du premier volume des Œuvres complète (1658). Le portrait reproduit dans le livre du P. Bougerel (Mathey Sculpsit) n’est pas cité dans le tome IV de la Bibliothèque historique de la France (p. 200 de la Liste des portraits des Français illustres, où l’on énumère, avec le portrait de Nanteuil, six autres portraits, dont un de Claude Mellan. — Guy Patin nous apprend (lettre du 8 janvier 1649) que Gassendi était de courte taille : « vous eussiez vu un grand homme en petite taille. » Il dit encore (lettre du 2 mars 1655) : « Ce petit corps est bien délicat. »
  4. C’est le cas ou jamais de citer le mot d’Horace : Manet sub Jove frigido venator.