Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/102

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raison qui a produit le ciel et le monde actuel en reproduira d’autres destinés à périr de même. Cette succession périodique des mondes n’a pas commencé et ne finira pas ; tout est soumis, comme eux, à paraître et disparaître alternativement et sans cesse, tout, sauf le mouvement de révolution de l’ensemble qui gouverne et embrasse les choses, immortel et impérissable, éternel et toujours jeune (2) (fr. 1).

Comme il était inévitable dans le premier essor de la spéculation, le système grandiose d’Anaximandre faisait sa place à la théologie populaire. Les ciels périssables, nés du divin Infini et de l’incessante Révolution, sont dieux (9) tout comme l’Ouranos d’Hésiode ; dieux aussi probablement ces anneaux célestes qui nous apparaissent comme astres, qui participent au plus haut degré à ce mouvement qui est la vie du monde.

Si le Milésien, ce que nous ignorons, parlait des autres divinités, il pouvait tout au plus leur refuser l’immortalité, hérésie facilement conciliable avec les croyances vulgaires.

6. Tel est le système dans ses grandes lignes ; si, au point de vue positif, il n’en subsiste guère aujourd’hui que deux postulats de la science : —— rien ne se fait de rien ; —— la durée du jour sidéral est invariable[1], —— on ne peut nier ni la hardiesse des conceptions, ni l’accord avec l’ensemble des connaissances expérimentales de l’époque. Mais si nous cherchons à compléter quelques détails, nous allons voir la fantaisie s’y donner une libre carrière.

La terre est un disque plat (2) sur un des côtés duquel nous nous trouvons[2] ; c’est la conception traditionnelle ; mais Anaximandre ose évaluer l’épaisseur et la fixe au tiers du diamètre horizontal (3).

Ce disque, immobile au centre du monde, est entouré de trois anneaux circulaires. Celui qui renferme la plus grande masse de

  1. Que ce soit là un postulatum, certainement d’accord avec l’observation, mais dont l’absolue vérité ne peut être rigoureusement démontrée, c’est ce qui résulte du fait que cette vérité a été contestée par des astronomes. Cette contestation ne peut établir qu’une chose, c’est qu’il faut en tout cas un postulatum pour établir la mesure du temps.
  2. Je ne crois plus, avec Teichmüller, qu’il faille modifier des textes passablement concordants, parce que la terre est entourée d’eau et qu’une arête vive étant inadmissible pour un liquide, la forme cylindrique rigoureuse est impossible, si la terre que nous habitons est entourée par le fleuve Océan, l’au delà en est inconnu, et la tranche du disques a dû être desséchée avant les deux plats, puisqu’elle est davantage exposée à la chaleur solaire.