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POUR L’HISTOIRE DE LA SCIENCE HELLÈNE.

trouvé sa plus pure expression dans Épictète, recouvrait, au fond, un mouvement politique ; c’était, en réalité, la lutte de l’hellénisme sous sa forme la plus noble, adoptée par ce qu’il y avait de meilleur dans l’aristocratie romaine, contre les traditions violentes du césarisme. Mais, une fois vainqueur avec les Antonins, le stoïcisme se trouva impuissant devant la tâche immense qui s’imposait à lui ; la conscience et l’aveu de cette impuissance éclatent dans le beau livre de Marc-Aurèle ; après sa mort, un effondrement du système était inévitable.

En dehors de la scène politique, le mouvement intellectuel avait déjà sourdement préparé l’avènement du syncrétisme plotinien. Dès la fin de la période alexandrine, le stoïcisme avait lui-même subi une première évolution momentanée, grâce à laquelle précisément la prééminence lui avait été assurée. Sous l’influence surtout de Panétius et de Posidonius, il était sorti de la voie étroite où l’avaient engagé ses fondateurs jusqu’à Chrysippe ; il s’était ouvert à d’autres enseignements et avait pris un caractère éclectique se prêtant à tous les compromis de théorie, sauf avec les épicuriens.

Ceux-ci furent mis au ban de la philosophie ; mais, en exceptant d’ailleurs aussi les sceptiques, qui se perpétuèrent en une école fermée, surtout recrutée parmi les médecins, les autres sectes n’échappèrent point à ce mouvement qui tendait à effacer leur réelle distinction. Désormais, il n’y a plus de succession légitime, de chefs d’école reconnus, et tandis que maintenant les vrais stoïciens vont se désintéresser de plus en plus des spéculations étrangères à la morale, la foule des penseurs qu’ils n’entraînent pas à leur suite, se retourne vers les anciens maîtres, Pythagore, Platon, Aristote. C’est là, au reste, un mouvement analogue à celui qui pousse les mathématiciens de la même période, et qui leur fait essayer de reprendre et de coordonner les travaux antérieurs.

Mais, quels que soient les noms dont puissent s’affubler les philosophes suivant leurs préférences particulières ou la nature spéciale de leurs études, ils ne peuvent cependant faire revivre les anciennes écoles ni retrouver l’esprit des siècles disparus. Ils sont de leur temps et leurs efforts ne peuvent aboutir qu’à la constitution d’un vaste syncrétisme où tous les grands génies hellènes seront représentés comme ayant, à de très minces différences près, partagé les mêmes opinions et jeté les fondements d’une seule et même doctrine.

Dès l’aurore de la période gréco-romaine, le mot d’éclectisme