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Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/181

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continuel de matière entre la terre et le ciel, échange déjà admis par les premiers Ioniens. La double voie, ascendante et descendante, suivant laquelle il s’opère, suffit aux explications que prétend donner Héraclite ; de la terre et de la mer s’élèvent, d’après lui, des exhalaisons, les unes sèches, les autres humides ; les premières sont de nature ignée et servent à entretenir les feux célestes, qui donnent de l’eau comme résidu ; les secondes, par leur mélange avec les sèches, forment notre air atmosphérique, qui s’étend jusqu’aux environs de la lune et d’où l’eau retombe, soit comme pluie, soit déjà congelée.

C’est de la variation des proportions entre ces deux sortes d’exhalaisons que résulte la vicissitude des jours et des nuits, des mois et des saisons. Les astres sont des bassins creux dont la concavité, tournée vers nous, rassemble les exhalaisons sèches qui y brûlent, s’allumant au levant, s’éteignant au couchant ; ces bassins circulent dans l’hémisphère supérieur et leurs retournements produisent les éclipses, aussi bien que les phases de la lune. Héraclite ne s’était pas expliqué davantage sur cette conception grossière, qui semble combinée avec des éléments empruntés à Thalès et à Xénophane ; il ne disait pas ce que devenaient ces bassins du coucher au lever des astres ; il ne précisait pas davantage la forme de la terre, et s’il reconnaissait, sous le nom d’Hadès, un monde souterrain, il ne semble point avoir cherché à s’en former une idée plus claire que la mythologie courante. Il préfère insister sur le flux perpétuel des choses, dont aucune n’échappe à la transformation incessante ; sur la lutte permanente entre les formes diverses de la substance unique, lutte à laquelle préside l’intelligence divine et qui fait l’harmonie du monde.

2. Voilà ce que les doxographes nous apprennent, quant à l’état actuel du cosmos, sur les opinions physiques d’Héraclite, qui sont, au reste, particulièrement bien exposées par Diogène Laërce (IX, 8 à 11) dans un précis remontant assez directement à l’ouvrage historique de Théophraste. Il n’y a guère de difficultés que lorsqu’il s’agit de représenter, d’après l’Éphésien, l’évolution de la genèse et de la destruction, et, pour cela, de mettre en concordance, avec la description de Diogène Laërce, les textes assez obscurs de Clément d’Alexandrie (fr. 27 à 29) qui se rapportent à cette évolution cosmique.

Guidé sans doute par une idée religieuse, Héraclite a déterminé