la contrepartie des essais des physiologues milésiens et il introduisit la théologie dans l’étude de la nature, qu’ils n’avaient traitée que comme objet de science. Grave événement, qui déplaça pour toujours peut-être l’axe de la philosophie !
Qu’importe qu’il conçoive l’intelligence comme l’attribut de la matière ? Il la concentre dans la partie de cette matière qu’il considère comme la plus pure et la moins semblable à notre corps. Il l’oppose à celui-ci et lui décerne la prééminence. La route est frayée pour Anaxagore.
Au point de vue moral, qu’il est le premier à envisager et non pas Socrate, ses conclusions sont celles du spiritualisme le plus décidé. La vie est une lutte entre l’âme et le corps ; il faut atténuer l’un, purifier l’autre. Qu’importe qu’il mêle à cette croyance de grossières opinions, comme celle qu’il faut que l’âme soit le plus sèche possible (fr. 59, 70 et suiv.), pour se rapprocher davantage du feu intelligent ?
IV. — La Destinée des âmes.
9. Après avoir essayé de restituer à Héraclite son véritable caractère, après avoir indiqué avec quels éléments se sont formées ses opinions, il nous reste à reprendre les deux questions que nous avons différées sur les croyances d’Héraclite relativement à la conscience ou à l’inconscience du Logos, d’une part, et, de l’autre, à la destinée des âmes après la mort.
La liaison entre ces deux questions est évidente : l’âme, pour Héraclite, est une parcelle du Logos, momentanément détachée de lui et emprisonnée dans le tombeau du corps ; si, redevenue libre, elle s’abîme dans sa source première, il n’y a aucune difficulté à attribuer à celle-ci la conscience et la personnalité ; il en est tout autrement si l’âme, sortie du corps, subsiste isolée avec son individualité propre.
Dans la thèse panthéiste d’Héraclite, surtout l’unité de substance admise, le dilemme est inéluctable. Mais on aurait tort de le poser dans toute sa rigueur logique pour le penseur qui le premier abordait ces questions sur le sol hellène. Ces notions n’avaient nullement été discutées avant lui et n’étaient en rien éclaircies ; d’autre part, nous n’avons pas de motif pour attribuer à un auteur célèbre par son obscurité la précision des concepts et la puissance de raisonnement dont la clarté est inséparable.