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Distinguons donc les deux questions et abordons d’abord la seconde. Éd. Zeller, après avoir constaté que les principes d’Héraclite devraient lui faire lier la vie de l’âme à celle du corps, admet néanmoins que l’Éphésien a cru : à la préexistence des âmes qui entrent dans les corps parce qu’elles ont besoin de changement et qu’elles se lassent de demeurer dans le même état ; à leur survivance comme démons lorsqu’elles se sont rendues dignes de cette élévation ; enfin, pour le commun des âmes, il aurait partagé l’opinion vulgaire.

Teichmüller, au contraire, se refuse à reconnaître la doctrine de l’immortalité de l’âme chez Héraclite. Il y a longtemps au reste que la question est controversée, car, tandis que S. Hippolyte voit la résurrection clairement enseignée par un texte de l’Ephésien, Théodoret lui fait absorber les âmes après la mort par le Logos universel.

Avant de discuter les textes, sur lesquels Teichmüller ne s’est pas étendu et qui, il faut le dire, sont à première vue favorables à l’opinion de Zeller, il ne sera pas hors de propos de mentionner d’après Maspéro (Hist. anc. etc., p. 39-42) quelles étaient en fait sur ce point les croyances égyptiennes.

Comme nous l’avons indiqué déjà, le khou lumineux préexiste ; c’est une véritable divinité. Avant d’entrer dans le corps, il abandonne son enveloppe éclatante et se glisse dans une autre substance moins excellente, bien que divine encore. Cette seconde enveloppe est proprement l’âme (ba). Après la mort, l’intelligence se sépare de l’âme et redevient démon. L’âme est jugée devant Osiris ; coupable, elle est condamnée aux châtiments que lui inflige le khou qu’elle n’a pas écouté pendant sa vie, et mène pendant des siècles une existence maudite, qui se termine enfin au néant. L’âme juste, au contraire, a à subir de nouvelles et longues épreuves dont elle triomphera pour s’élever de plus en plus dans les rangs des divinités ; à la fin, elle devient toute intelligence, voit Dieu face à face et s’abîme en lui.

Dans cette conception, l’existence terrestre n’est qu’un stage dans une série d’existences successives, mais essentiellement différentes, série dont, à vrai dire, le commencement et la fin sont inconnus. Il n’est guère à supposer d’ailleurs que la véritable croyance égyptienne, telle qu’elle nous a été récemment révélée, ait été connue d’Héraclite, car les Grecs se sont généralement mépris sur le sens des formes symboliques que revêt le khou