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Leucippe et Démocrite au moyen de l’adoption de la forme atomistique, qui rallia ultérieurement une importante fraction pythagorienne (Ecphante, etc.).

5. J’ai à justifier maintenant ma thèse par un examen circonstancié des arguments de Zénon et à déterminer jusqu’à quel point ils furent entendus dans leur sens véritable par les témoins de l’antiquité qui nous ont conservé ces arguments.

Avant tout, Aristote ne doit pas s’y être trompé ; c’est ainsi seulement qu’on peut expliquer l’attitude qu’il prend à l’égard de Zénon. Au fond, il sait bien que sa doctrine propre sur le sujet en question est identique à celle de l’Éléate ; mais comme forme, il lui reproche d’avoir procédé grossièrement (φορτιϰῶς, Métaph., II, 4, 29) et de n’avoir pas distingué, comme il a grand soin de le faire pour son compte, les différentes acceptions du terme « Un » et du terme « Être ». Cependant, il ne s’attache nullement à critiquer les arguments de Zénon, sauf ceux concernant le mouvement, qui avaient acquis comme paradoxes une grande célébrité et sur lesquels un malentendu est si facile.

Théophraste nous fait défaut ; Zénon n’était point un physicien et son nom n’apparaît chez les doxographes que pour des indications vagues ou d’une origine suspecte[1]. C’est Eudème qui va nous fournir les textes les plus précis, non pas dans ses histoires mathématiques, mais dans ses livres de physique, compilés par Simplicius ; or, déjà le disciple d’Aristote semble ne connaître la question que par tradition et se laisse aller à donner à Zénon une position sceptique.

(Simplic. in physic., 21 a.) « On rapporte que Zénon disait que, si quelqu’un lui enseignait ce qu’est l’un, il pourrait dire ce que sont les choses. La difficulté, semble-t-il, était que chaque chose sensible est pluralité, soit eu égard à ses attributs, soit par division, et qu’il pose le point comme n’étant rien ; car ce qui,

  1. Si Théophraste avait parlé de Zénon, ce doit être dans les termes du Ps.-Plut. (Strom. 6). « Zénon d’Élée n’expose aucune thèse propre ; il soulève en général des difficultés sur les questions (traitées par Parménide) ». Aétius accole une fois Zénon avec Mélissos (I, 7), une autre avec Parménide (I, 24). Le Ps.-Galien le mentionne comme sceptique et comme chef de la philosophie éristique. Épiphane (III, 11), avant de reproduire un de ses arguments contre le mouvement, lui attribue la doctrine de l’immobilité de la terre et la négation du vide. Diogène Laërce seul rapporte sous son nom des opinions nettement physiques, qui n’ont d’ailleurs rien d’original.