Page:Tannery - Pour l’histoire de la science Hellène.djvu/327

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inconnus qui enseignèrent à Empédocle la métempsycose, les dogmes et les préceptes religieux qu’il adopta et développa, ne purent donc, quant aux lois de la nature, lui transmettre qu’un mélange du fonds commun aux physiologues et de quelques idées spéciales qu’Alcméon et Parménide* avaient déjà fait connaître pour la plupart. Ces maîtres doivent sans doute d’ailleurs être comptés au nombre des pythagoriens s’occupant, non pas de mathématiques, mais de médecine, et y mêlant, à l’exemple du Maître, des pratiques religieuses; c’est en effet cette face du caractère de Pythagore qu’Empédocle essaya de reproduire pour son compte; tout au contraire, il semble n’avoir aucunement subi l’influence de l’école mathématique, qui d’ailleurs n’avait probablement pas encore essayé d’appliquer à la nature les spéculations sur les nombres et les figures géométriques.

Aux données de ce premier enseignement, aux fruits de ses études propres, Empédocle joignit d’ailleurs des emprunts faits, non seulement aux poètes dont il suivait les modèles, mais même à ses contemporains, comme Anaxagore, dont il adopta la découverte relative à la lumière de la lune. Son œuvre apparaît donc comme passablement éclectique, en dehors de l’originalité propre que lui assure la doctrine des éléments distincts; il faut d’ailleurs reconnaître que, si l’on fait abstraction de cette doctrine, la science d’Empédocle n’a accompli, par rapport à ses précurseurs, que des progrès de détail.

Il ne faut pas, au reste, faire fi de ces progrès; Empédocle, à la vérité, n’a pas un caractère vraiment philosophique; il ne vient pas à son tour soulever une de ces questions capitales qui forment l’horizon de la science, et que ses précurseurs ont agitées l’une après l’autre; il adopte les solutions toutes faites; il ne cherche pas plus à établir l’unité entre ses conceptions physiques et ses croyances religieuses qu’il n’a cherché à la mettre dans le substratum des phénomènes. Ce pluraliste éclectique est un homme double; Pythagore avait plutôt été mathématicien et mystique ; Empédocle sera physicien et mystique. Mais comme physicien, il n’est nullement à dédaigner; le progrès de la science est désormais au prix des études de détail. Il s’y complaît et entre de plus en plus avant dans la forêt des questions secondaires ; sans doute, aux solutions a priori de ses devanciers il se contente souvent d’ajouter d’autres hypothèses aussi peu fondées sur les faits; mais au moins ces hypothèses multipliées provoqueront davantage l’étude, et peu à