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APPENDICE I. — THÉOPHRASTE, SUR LES SENSATIONS

cède, il est clair que l’eau, l’air, le feu sont mous ; quand il dit que ce qui cède est ce qui a le moins de base, c’est dire que ce qui est le plus mou, c’est le feu. Mais il ne semble pas qu’il faille reconnaître comme mou aucun de ces corps, et, en thèse générale, le mou n’est pas ce qui déplace sous l’effort, mais ce qui cède en profondeur sans déplacement en un autre sens.

88. Quant à sa définition du lourd et du léger, elle n’est pas générale, mais s’applique aux corps de la nature de la terre ; car il semble bien qu’en effet, pour ces corps, le lourd et le léger se distinguent suivant qu’ils sont difficiles ou faciles à amener en un lieu différent ; mais la légèreté de l’air et du feu se rapporte au contraire à leur mouvement vers leurs lieux propres. Aussi, pour des corps composés de parties de même nature, ne peut-on dire que le lourd est ce qui en a le plus, le léger ce qui en a le moins ; car le feu est d’autant plus léger qu’il est en plus grande quantité. Mais en assignant le haut comme place au feu, on peut mettre d’accord ces deux distinctions, dont autrement aucune n’est valable. De même pour la terre ; car la plus grande quantité tombera plus vite d’en haut jusqu’ici. Ainsi, on ne doit pas dire que la terre et le feu soient absolument l’une lourde, l’autre léger, mais chacun de ces deux éléments est tel par rapport à son lieu ; le terrestre ne se comportera pas de même là-haut et ici-bas, mais inversement ; ici-bas, le plus léger est ce qui a le moins d’éléments homogènes ; là-haut, c’est ce qui en a le plus.

89. Tout cela provient de ce qu’il n’a pas défini le léger et le lourd en général, mais en tant que terrestre. — Quant aux liquides, dont il reconnaît quatre différentes sortes, il ne dit point la nature de chacune, il ne fait connaître que les effets des saveurs. Car, que l’astringent ou le styptique resserre les pores, que le salé les nettoie, cela est l’effet sur nous ; de même pour les autres. Mais nous cherchons plutôt l’essence, la raison de l’action qui produit ces effets que nous voyons.

90. On peut discuter si les odeurs peuvent être distinguées par espèces ; elles diffèrent, comme les saveurs, par la nature des sensations de plaisir ou de peine qu’elles procurent, et il semble qu’il en est de même pour toutes choses. Que d’ailleurs l’odeur soit une effluve qu’on respire avec l’air, c’est ce dont on est à peu près d’accord. Mais son assimilation à la fumée ou au brouillard n’est pas exacte. Platon lui-même parait le reconnaître quand il dit que la fumée est un passage de l’eau à l’air, le brouillard un passage