Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

AVANT-PROPOS



Tout ce que je souhaite, sans oser l’espérer, en publiant ce livre, c’est que le lecteur trouve à le lire autant de plaisir que j’en ai eu à le composer. Ce n’est pas que je m’aveugle sur ses imperfections et ses lacunes ; j’en ai même conscience à tel point que je me propose de revenir plus tard sur cette ébauche pour la compléter et la corriger. Mais ce sujet m’a plu, d’abord superficiellement, puis avec une sorte d’intérêt passionné. En commençant, je n’y avais vu que la joie intellectuelle d’échapper à des problèmes habituels d’ordre social, c’est-à-dire douloureux, par une étude qui, d’ailleurs, se reliait intimement à mes travaux antérieurs, par une promenade d’esprit à travers le monde, avec une jumelle spéciale en mains qui me permettait de tout apercevoir sous un angle aussi précis que varié, sous un point de vue d’une universalité étrange. Et je confesse m’être laissé aller quelque temps à ce charme facile et décevant de collectionner des antithèses, d’herboriser des contrastes, de regarder passer, à tous les étages superposés de la réalité physique, vivante, mentale, la procession des couples enchaînés de contraires qui s’y déroule éternellement. Mais, à lui seul, ce genre d’attrait ne m’eût pas retenu longtemps : l’antithèse est un procédé de composition dont l’abus, chez un Hegel comme chez un Victor Hugo, m’a toujours gâté les plus merveilleuses beautés de conception ou de style. Et je n’aurais pas tardé