Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/136

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Nous venons d’indiquer, de prime abord, trois justifications possibles de la symétrie des organes doubles : leur contrôle réciproque, leur suppléance réciproque, leur collaboration. De ces trois motifs, le dernier est loin d’être le plus satisfaisant ; isolé, il est manifestement insuffisant. Et c’est pourtant le seul auquel Bichat, dans le court chapitre qu’il consacre à ce sujet, attache de l’importance. Par malheur, une conclusion diamétralement contraire à la sienne semble découler de ses considérations ingénieuses. Admettons avec lui que l’inégale portée des deux yeux, chose fréquente chez les myopes, tend à faire loucher ; admettons même que ce qu’on appelle l’oreille fausse résulte de la conformation dissemblable des deux appareils de l’ouie. Accordons-lui « qu’un aveugle naissant avec une main régulièrement organisée tandis que l’autre, privée des mouvements d’opposition du pouce et de flexion des doigts, formerait une surface raide et immobile, n’acquerrait que difficilement les notions de grandeur, de figure, de direction, etc. », et, par exemple, s’il touchait une sphère, ne saurait à laquelle de ses deux mains il devrait ajouter foi, l’une lui suggérant l’idée de rondeur, l’autre une idée toute différente. je veux bien aussi, pour un instant, accepter son explication de l’aliénation mentale par l’inégalité d’action des deux hémisphères cérébraux, et lui concéder que, si l’un des deux hémisphères est plus développé, la perception sera nécessairement confuse, assertion démentie cependant par les mesures crâniennes d’où il semble résulter qu’une notable élévation de l’intelligence ne va point sans un certain degré d’asymétrie dans le développement des deux moitiés du cerveau. Mais ne chicanons point et tenons pour vrais