Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/202

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Il n’y a qu’un seul Temps, qui est, je le répète, le même et tout entier en chaque point de l’Espace ; et il n’y a qu’un seul Espace, qui est le même et tout entier en chaque partie du Temps. Ils s’entre-pénètrent comme en nous la Croyance et le Désir. L’Espace, n’est-ce pas l’intelligible par excellence, la comparabilité et la séparabilité universelles, l’assimilabilité et la discernabilité infinies, autant dire l’affirmabilité et la niabilité de toutes choses, leur crédibilité, et, en même temps, chose remarquable, leur mesurabilité essentielle ? N’est-ce pas, en d’autres termes, la Raison même, la Raison pure, objectivée et universalisée, avec sa possibilité inépuisable d’assimilations et de discernements, de synthèses et d’analyses ? Et le Temps, n’est-ce pas la Volonté pure, sans but, mais susceptible de tous les buts, l’optatif catégorique, vouloir virtuel de tous les vouloirs ?

Je ne puis entrer dans une discussion approfondie, qui m’entraînerait trop loin, des hypothèses relatives à la formation des idées d’espace et de temps, et, en particulier, de l’idée de distance. je me borne à indiquer à ce sujet quelques considérations propres à justifier, dans une certaine mesure, les propositions qui précédent.

Au premier début de la vie mentale, le champ visuel du nouveau-né (et aussi bien son champ tactile) ne peut lui apparaître comme grand ni comme petit, comme éloigné ni comme rapproché ; car ce champ visuel n’a rien que de purement qualitatif, affectif ; et toute idée de quantité en est nécessairement absente, avant que l’enfant ait exercé sur lui, et sur les images de ses visions précédentes, sa faculté de croire et sa faculté de désirer. Mais, dès que ces deux facultés sont entrées