Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/207

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troisième, une quatrième fois, pour être jugée accrue, ne reste pas fixe au cours de sa progression régulière ; elle est proportionnelle à l’excitation déjà produite. Le poids additionnel nécessaire pour rendre sensible un accroissement de poids est plus lourd si la main porte deux kilogrammes que si elle en porte un seul.

Ce que nous appelons l’intensité de nos sensations ne serait donc qu’un total, implicitement senti, de nos actes de jugement successivement portés sur elle à travers ses variations qualitatives.


V

Passons à la question, plus intéressante et plus difficile, de savoir si, dans le domaine des sensations il existe, non pas des augmentations ou des diminutions opposées d’une même quantité, mais des quantités qui s’opposent deux à deux, comme deux électricités positive et négative, comme deux forces quelconques qui se neutralisent. Et demandons-nous si ces oppositions ne sont pas, en définitive, réductibles à celles de l’affirmer et du nier, du désirer et du repousser. Il y a ici deux couples de contraires apparents qui s’imposent à l’attention : le blanc et le noir, le froid et le chaud. L’ouïe ne présente rien de pareil, les notes graves et aigus ne s’opposant point, mais formant une même série. Quant aux oppositions du goût et de l’odorat, elles sont vagues et douteuses : est-ce l’acide ou l’amer qui s’oppose au doux ? On a émis l’idée qu’il existe un spectre des odeurs, et aussi des interférences d’odeurs qui se neutraliseraient en se rencontrant.