Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/424

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Tout y change d’une époque à une autre, d’un pays à un autre, les moyens employés et les buts poursuivis. Les armes d’abord : ici la fronde, là le boomerang, ailleurs la sarbacane ; l’arc, puis l’arquebuse, puis le fusil. L’art des fortifications et des sièges ensuite ; les procédés de tactique, la discipline, les manœuvres préparatoires, les cérémonies préliminaires, féciales ou diplomatiques, le nombre et l’organisation hiérarchique des corps d’armée, le recrutement. Enfin les mobiles et la visée directe : au milieu de beaucoup de transformations lamentables, n’y a-t-il pas à s’applaudir de voir le but immédiat se réduire à mettre hors de combat les ennemis, à leur épargner le plus possible après le combat la souffrance et la mort ? Est-il rien de comparable, dans les camps des Iroquois ou des Maoris, à nos ambulances, à nos conventions de Genève ? Chez les Peaux-Rouges, il s’agit, en se battant, de faire avant tout souffrir le prisonnier, de le faire mourir à petit feu. C’est ainsi que la justice criminelle d’autrefois recherchait fréquemment la mort exquise, précédée de tortures sans nom. À présent, juges et soldats veulent mettre le coupable ou l’ennemi hors d’état de nuire, voilà tout, et, sans le haïr, cherchent à le désarmer.

Reste à savoir si la guerre, précisément parce qu’elle est devenue infiniment plus humaine malgré sa puissance supérieure de destruction, n’est pas devenue en même temps plus difficile à extirper tout à fait, par la même raison que la peine de mort, réduite comme elle l’est à la décapitation ou à la pendaison sans souffrance, résiste plus que jamais aux efforts tentés pour la supprimer. Mais non, son absurdité, sa monstruosité, à vrai dire, atteint le comble. Sans haine,