Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/426

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ténacité, se répandre de proche en proche et tarir la source des batailles pour contradiction de désirs ? Pourquoi les oppositions des désirs seraient-elles insolubles pacifiquement, quand il est prouvé que les oppositions de croyances ne le sont pas ? La patience nationale, qui dira sa puissance, l’irrésistible efficacité des moyens dont elle dispose pour arriver à ses fins autrement et plus sûrement qu’en tuant des hommes ? Les peuples prospères, de nos jours, sont ceux qui ont mis le plus largement en pratique les vrais substituts actuels de la guerre : l’émulation dans l’enrichissement et le savoir, dans le travail, dans la propagande de ses sentiments, de ses convictions, de ses mœurs, et avant tout, dans le progrès de la population, qui a pour effet non pas de tuer les adversaires vivants, mais d’empêcher leurs enfants de naître en prenant d’avance leur place au soleil. Hélas !



XV

La justice surtout, mieux comprise et plus répandue dans les cœurs, tuera la guerre. Mais là encore des difficultés se présentent. D’abord, la justice elle-même commence par être conçue comme une opposition, une symétrie. Les peuples sauvages, dans leurs conflits belliqueux, qui sont si souvent leurs seuls premiers contacts, la conçoivent sous la forme d’une symétrie de préjudices, le talion ; puis, à mesure que leurs rapports commerciaux empiètent sur leurs rapports militaires, ils la conçoivent de plus en plus comme une symétrie