Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/437

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Toute satisfaction d’un désir paraît nous mettre sur la voie de cet équilibre final que nous trouverons dans la mort, demain, mais que les éléments dont nous sommes composés ne goûteront qu’à la fin des temps si, suivant le rêve apocalyptique de Spencer, tous les mondes sont destinés finalement à se pelotonner en un seul bloc inerte pour l’éternité. À ce point de vue, on doit regarder tous les buts que nous donnons pour débouchés à notre activité comme des formes passagères d’un seul et unique besoin permanent, le besoin d’équilibration. D’autre part, s’il est vrai que nous sommes en rapport avec tous les autres êtres, et si l’on croit que tout rapport consiste à s’accorder ou à s’opposer, il s’ensuit, puisque le premier de ces rapports est ramené au second, que l’oppose de notre être est l’ensemble de tous les autres êtres de l’Univers et que nous avons besoin, pour être complètement équilibres, d’entrer en conflit avec cet immense antagoniste.

Je n’ai pas à insister pour écarter, après tous les développements précédents, cette interprétation ultra-militaire de la vie universelle. J’ai plutôt à me demander ce qu’il y a de vrai dans un point de vue précisément inverse qui verrait dans l’opposition une espèce, et une espèce inférieure, d’adaptation. Ce qui manque à un être, ce qui le compléterait, ce qui lui est adapté, est-ce seulement et est-ce toujours le contraire de cet être ? Ou plutôt, quand, par hasard, une chose est complétée par son contraire, ne devons-nous pas regarder cette exception comme un cas singulier de l’adaptation des moyens aux fins ?

Ou bien, l’adaptation ne serait-elle qu’un terme moyen ?