Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/448

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la table a été l’apprentissage et l’exercice ininterrompu de la sociabilité. De tous les sacrements chrétiens, le plus incompréhensible en apparence et, en fait, le plus vivant, est l’Eucharistie. Avoir mangé ensemble a été réputé en tout pays et en tout temps le signe le plus manifeste qu’on fait partie du même groupe social. La Cène est par excellence le mode de groupement fraternel. Voilà pourquoi l’extension de la table a été un besoin vivement ressenti par la civilisation, à mesure qu’elle s’est elle-même étendue et a élargi les groupes sociaux. Matériellement, il est vrai, la table s’est assez peu agrandie, quoique l’habitude de s’asseoir, succédant à celle de se coucher durant les repas, ait permis de multiplier le nombre des convives dans les salles à manger. Assurément le maximum numérique de commensaux qu’on peut réunir de nos jours dans notre galerie des machines est très supérieur à celui qu’auraient pu atteindre les Romains de l’Empire et à plus forte raison les barbares de la Germanie. Mais ce sont surtout des élargissements indirects et pour ainsi dire spirituels que la table a reçus des temps nouveaux, par les sociétés coopératives de consommation notamment, grâce auxquelles les sociétaires, s’ils ne dînent pas ensemble, consomment ensemble tout ce qui est servi sur leurs tables et sont également intéressés à ce que leurs consommations communes coûtent le moins possible, ce qui est l’un des buts principaux poursuivis et obtenus par la vie de famille. Les associations de serfs du Nivernais, vivant au même chanteau, n’étaient que l’embryon de ce progrès devenu gigantesque.

Ce que je dis de la table, on pourrait le dire d’autres parties du mobilier de la maison. Est-ce que, depuis la découverte