Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/53

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polarisation cosmique, ont été une nécessaire et salutaire mutilation.

L’analogie peut nous mener plus loin. Il est rare qu’un type vivant, même le plus prolifique et le plus cosmopolite, se déploie librement dans toute la richesse de variations dont il est susceptible, comme la lumière dans l’immensité. Le plus souvent, à un moment et dans un milieu donnés, il est arrêté par les circonstances hostiles, qui sacrifient impitoyablement ou empêchent de naître toutes ses variétés en tous sens, sauf en un seul, dans lequel une variabilité limitée lui est permise. Par exemple, une plante labiée à feuilles opposées et lisses, à tige carrée, à quatre étamines, à corolle monopétale, ne différera d’elle-même, tous ses autres caractères restant identiques, que par l’échancrure plus ou moins profonde des cinq lobes de sa corolle, si bien que la variété la plus échancrée sera presque polypétale, et la variété la moins échancrée presque dépourvue de lobes. L’espèce oscillera pour ainsi dire entre ces deux pôles, sous la pression des circonstances ; et nous les opposerons légitimement l’un à l’autre, non parce que la monopétalie sans lobes serait le contraire de la polypétalie, ce qui n’est pas, mais parce qu’elles sont les extrémités d’une série vivante inextensible, étant donné les caractères essentiels du type et les conditions extérieures. Les anthropologistes opposent de même les têtes humaines les plus longues, vues d’en haut, aux têtes les moins longues ; ce n’est pas la dolichocéphalie soit en elle-même le contraire de la brachycéphalie ; mais cela veut dire que la structure du crâne humain oscille entre ces deux degrés divers d’allongement.