Page:Tarde - L’Opposition universelle, Alcan, 1897.djvu/67

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il n’y a la que de simples oppositions quantitatives. Mais si, arrivée au zéro de concavité, la figure concave devient convexe ; si, arrivé au zéro de vitesse suivant sa direction, le mobile remonte, dans une direction précisément inverse, c’est-à-dire le long de la même ligne, l’échelle de ses accélérations ; si, parvenu au zéro d’affirmation, au doute absolu, l’esprit se met à nier avec une énergie progressivement égale à sa conviction première ; si, descendu au zéro d’amour, à l’indifférence complète, le cœur gravit les degrés de la haine à l’égard de la même personne, n’y a-t-il pas là des oppositions d’une espèce toute nouvelle, irréductible aux espèces précédentes ?

Il est d’autant plus essentiel d’établir cette distinction, que, par une ambiguïté fâcheuse, la langue de l’algèbre tend à la dissimuler. Les signes du plus et du moins (+ et -) y servent également à exprimer le contraste des quantités positives et négatives, quoique les unes et les autres comportent le passage du plus au moins et du moins au plus. L’algèbre n’a pas de signes spéciaux pour marquer la différence qui existe entre une diminution déterminée d’une créance et sa coexistence avec une dette égale à cette diminution. Cependant la créance et la dette peuvent coexister sans qu’il y ait lieu à compensation ; d’ailleurs, elles ont pu être consécutives. De même, on peut avoir la main droite brûlante et la main gauche glacée, et la chaleur de l’une ne vient pas en défalcation du froid de l’autre. Si l’on ne peut aimer et haïr la même personne en même temps (et encore est-ce si impossible ?), on peut fort bien, nous le savons, l’adorer d’abord et l’exécrer ensuite. Et, comme ces termes dynamiquement opposés