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OU RECUEIL D’ÉTUDES

Il y a beaucoup de vrai dans tout cela, comme il y avait beaucoup de vrai dans les reproches que les libéraux faisaient à certaines feuilles bleues d’identifier trop leur cause avec la cause de l’Église. Mais ces lignes renferment aussi beaucoup de choses très dangereuses, surtout dans la forme où elles sont présentées. L’article de la Minerve ne déparerait pas les colonnes du journal catholique libéral le plus prononcé ; c’est un mélange inextricable de vrai et de faux. Après avoir lu cet écrit on reste sous l’impression que les gouvernements n’ont qu’à faire bouillir la marmite pour que tout aille bien, que les questions d’affaires purement matérielles sont les seules importantes, que c’est dans l’économie politique et non ailleurs que les hommes publics doivent puiser leurs inspirations.

Prenez, par exemple, la comparaison que la Minerve établit entre les hommes politiques et les simples fidèles ; sans être absolument fausse, elle est souverainement choquante. Tout le monde sait que les « simples fidèles » passent la plus grande partie de leur temps à gérer leurs affaires temporelles, à assurer l’existence de leurs familles ; ils ne peuvent être constamment en prières et en méditation. Mais parce qu’ils sont obligés, par une triste nécessité, de consacrer la plus grande partie de leur temps à gagner leur pain, ils ne doivent pas oublier qu’il n’y a, après tout, qu’une « seule chose nécessaire : le salut. » Ramasser les richesses ne doit pas être leur but, mais un simple moyen d’atteindre leur fin dernière. Ceux qui perdent de vue cette vérité, ceux qui se laissent entièrement absorber par les soins matériels, ne sont pas dans la bonne voie.

Il en est de même des hommes publics. Sans doute on ne leur demande pas d’être versés dans la théologie, ni de faire des sermons ; sans doute, ils doivent s’occuper presque continuellement des intérêts matériels du pays, mais ils ne doivent pas oublier, pas plus que les « simples fidèles, » qu’acquérir la richesse ne doit pas être l’unique but des peuples chrétiens. La société civile a été instituée par Dieu pour permettre