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POUR LA PATRIE

— Tu n’ignores pas que l’on peut trahir une cause tout en prétendant la défendre. C’est même le procédé favori de nos jours. C’est le raffinement de la trahison.

— Oui, mais enfin, as-tu quelque preuve contre lui ? Sur quoi s’appuient tes soupçons ?

— Ce ne sont pas des soupçons, c’est une certitude morale, une conviction profonde.

— Mais encore, dis-moi sur quoi elle repose, cette certitude morale ? Tu n’as pas l’habitude de juger à la légère et sans preuves. J’avoue que l’article est affreux, abominable. En le lisant, j’ai frémi d’indignation, et si j’avais eu le malheureux sous la main, je ne sais pas trop ce que je lui aurais fait. Mais, après tout, ne peut-on pas mettre cet écrit sur le compte de la bêtise humaine, qui est grande, tu le sais.

— Oui elle est grande, mais la perversité humaine est grande aussi. Ce sont deux immensités dont Dieu seul peut voir les limites. Si je n’avais que l’écrit de Saint-Simon pour me guider, je jugerais l’incident probablement comme toi. Mais je sais que ce malheureux était naguère affreusement travaillé par le démon de la richesse et j’ai lieu