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POUR LA PATRIE

quelque part dans le monde. Et ce rôle a dû être aussi bienfaisant que remarquable ; car le frère Jean n’était certainement pas quelque grand pécheur réfugié dans cette solitude pour faire pénitence. Il suffisait de regarder dans ses yeux si limpides, si calmes pour se convaincre que jamais l’âme dont ils étaient le miroir n’avait été souillée par le crime, bouleversée par le remords. On aurait dit quelqu’un dont le rôle dans le monde, pour une raison ou pour une autre, était accompli, et qui était venu ici, sur ces hauteurs sereines, attendre son entrée dans la céleste Patrie.

J’ai dit que personne, à part dom Augustin, n’a jamais su qui il était. Personne ne l’a jamais su, mais moi, je l’ai soupçonné, et voici comment j’ai cru saisir le secret du frère Jean.

L’été dernier, au mois d’août, j’accompagnai à la Grande Chartreuse deux amis de Paris, dont l’un, M. G., a beaucoup voyagé, particulièrement en Amérique. Il a passé plusieurs mois dans la Nouvelle France. Comme le temps était beau, nous voulions monter sur le Grand Som. On nous donna pour guide et compagnon le frère Jean qui, malgré ses soixante-dix ans, nous devançait facilement.