Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/120

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jusqu’à la première heure du jour ; les bergers de la ville conduisirent alors dans ce lieu leurs troupeaux.

Pendant que les animaux paissaient, entre la forêt et le fleuve, les pasteurs vinrent s’asseoir au bord d’une claire fontaine qui la côtoyait, et, étendant sur l’herbe une cape, ils y mirent leur pain et commencèrent leur premier repas. Nicolette qu’ils éveillèrent s’approcha d’eux. « Beaux enfants, leur dit-elle en les saluant, connaissez-vous Aucassin, fils de Garins, comte de Beaucaire ? « Ils répondirent que oui ; mais quand ils eurent jeté les yeux sur elle, sa beauté les éblouit tellement qu’ils crurent que c’était une fée de la forêt qui les interrogeait. Elle ajouta : « Mes amis, allez lui dire qu’il y a ici une biche blanche pour laquelle il donnerait cinq cents marcs d’or, tout l’or du monde, s’il l’avait en sa disposition ; qu’on l’invite à venir la chasser, et qu’elle aura la vertu de le guérir de ses maux, mais que, s’il attend plus de trois jours, il ne la retrouvera plus, et pourra renoncer pour jamais à sa guérison. » Alors elle tira de sa bourse cinq sous qu’elle leur donna. Ils les reçurent ; mais après les avoir pris, ils refusèrent d’aller à la ville trouver Aucassin, et promirent seulement de l’avertir s’ils le voyaient. La fillette n’ayant rien de plus à espérer, accepta leur offre et les quitta.

Dès ce moment, elle ne s’occupa plus que des moyens de recevoir son ami quand il viendrait. Pour cela, elle construisit près du chemin une petite loge en feuillage, qu’elle destina en même temps à l’éprouver. « S’il m’aime autant qu’il l’assure, se disait-elle, lorsqu’il verra ceci, il s’y arrêtera pour l’amour de moi. » Quand la cabane fut achevée et garnie de fleurs et d’herbes