Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/121

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odoriférantes, la belle s’écarta un peu et alla s’asseoir près de là sous un buisson, pour épier ce que ferait Aucassin lorsqu’il arriverait.

Il était sorti de prison. Le vicomte, aussitôt qu’il avait appris la fuite de sa pupille, s’était hâté, pour prévenir la colère et les soupçons du comte son seigneur, de publier qu’elle était morte dans la nuit ; et Garins, qui se voyait par là délivré des inquiétudes que lui donnait cette fille, avait rendu la liberté à son fils. Il voulut même, comme pour le consoler, donner une fête brillante à laquelle il invita tous les chevaliers et damoiseaux de sa terre. La cour fut nombreuse et les plaisirs variés, mais il n’en était aucun pour Aucassin, parce qu’il ne voyait point celle qu’il aimait. Plongé dans la douleur et la mélancolie, il se tenait à l’écart, appuyé tristement contre un pilier. Un chevalier de l’assemblée s’approcha de lui : « Sire, dit-il, j’ai été malade comme vous et du même mal, et je puis aujourd’hui vous donner un bon conseil. Montez à cheval, allez vous promener le long de la forêt, vous entendrez chanter les oiseaux, vous verrez la verdure, et peut-être trouverez-vous choses qui vous soulageront. » Aucassin le remercia, et aussitôt, se dérobant de la salle et faisant seller son cheval, il sortit et s’avança vers la forêt.

Les pastoureaux étaient encore assis, comme le matin, au bord de la fontaine. Ils avaient acheté deux gâteaux qu’ils étaient revenus manger au même lieu, la cape à l’ordinaire étendue sur l’herbe. « Camarades, disait l’un d’eux nommé Lucas, Dieu garde le gentil bachelier Aucassin, notre damoiseau, et la fillette aux blonds cheveux qui nous a donné de quoi