Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/38

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désespère, nous a dépêchés pour lui amener quelqu’un capable de guérir sa fille : s’il la perd il en mourra. — N’allez pas plus loin, reprit la dame, j’ai l’homme qu’il vous faut, grand médecin, et plus expert en maladies qu’Hippocrate. — Oh ! ciel ! se pourrait-il ! et ne nous trompez-vous pas ? — Non, je vous dis la pure vérité. Mais le médecin dont je vous parle est un fantasque, qui a particulièrement le travers de ne vouloir point exercer son talent ; et je vous préviens que, si vous ne le battez fortement, vous n’en tirerez aucun parti. — Oh ! s’il ne s’agit que de battre, nous battrons, il est en bonnes mains, dites-nous seulement où il demeure."

La dame alors leur enseigna le champ où labourait son mari, et leur recommanda surtout de ne point oublier le point important dont elle les avait prévenus. Ils la remercièrent, s’armèrent chacun d’un bâton et, piquant vers le vilain, le saluèrent de la part du roi et le prièrent de les suivre. « Pourquoi faire ? dit-il. — Pour guérir sa fille. Nous savons quelle est votre science, et nous venons exprès vous chercher en son nom. » Le manant répondit qu’il savait labourer, et que si le roi avait besoin de ses services en ce genre, il les lui offrait, mais pour la médecine, il protesta sur sa conscience qu’il n’y entendait absolument rien. « Je vois bien, dit l’un des cavaliers à son camarade, que nous ne réussirons point avec des compliments et qu’il veut être battu. » Aussitôt ils mirent tous deux pied à terre et frappèrent sur lui à qui mieux mieux. D’abord il voulut leur représenter l’injustice de leur procédé ; mais comme il n’était pas le plus fort, il lui fallut filer doux, et, en demandant grâce bien humblement, promettre d’obéir en tout ce qu’ils exigeraient.