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Page:Tarsot - Fabliaux et Contes du Moyen Âge 1913.djvu/79

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Tous mes parents et amis sont restés en Picardie, je n’ai personne ici que toi ; tâche de devenir un joli sujet ; et si je trouve une fille sage et bien née dont la famille puisse me fournir une société agréable, je te la donnerai en mariage et je finirai près de vous deux mes vieux jours. »

Or, dans la même rue que le bourgeois et tout vis-a-vis de lui, logeaient trois frères, chevaliers, gentilshommes de père et de mère, et tous trois estimés pour leur valeur. L’aîné était veuf et avait une fille. Toute cette famille était pauvre, non qu’elle fût née sans fortune ; mais dans un moment de détresse elle avait été obligée de recourir à des usuriers. La dette, capital et intérêts, était vite montée à trois mille livres, et les biens de ces pauvres gens se trouvaient engagés ou saisis. Il ne restait guère au père que la maison qu’il habitait. Elle était si bonne qu’il eût pu aisément la louer vingt livres, il aurait mieux aimé la vendre, mais il ne le pouvait parce que c’était un bien de sa femme qui de droit revenait à la jeune fille.

Le bourgeois alla demander aux trois frères la main de la demoiselle pour son fils. Ceux-ci avant de lui répondre voulurent savoir quelle était sa fortune. « Tant en argent qu’en effets, répondit-il, je possède quinze cents livres : tout cela a été acquis très loyalement. J’en donnerai dès à présent la moitié à mon fils, et il aura l’autre moitié après ma mort. — Beau sire, reprirent les frères, ce n’est pas là ce qu’il nous faut. Vous promettez aujourd’hui de laisser à votre fils, après vous, une moitié de vos biens, et vous le promettez de bonne foi, nous n’en doutons pas. Mais d’ici à