Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/114

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avec des femmes pour se distraire, et il nous fit comprendre que dans leurs amusements ils ne gardaient aucune réserve. Il ajouta : « Si vous voulez, Messieurs, nous allons nous tenir là un peu, sous bois, ce ne sera pas long, car je n’ai jamais attendu dix minutes. » Bou-Hyahia prononçait ces paroles sur le ton d’une prière qui laissait comprendre tout le plaisir qu’il aurait, si l’on accédait à sa demande… Mais mon maître, comme s’il ne l’avait pas entendu, remonta la rivière, tout en me faisant remarquer la multitude de racines et de lauriers qui prennent leur nourriture dans cette belle eau claire et qui y déposent en même temps le germe de la fièvre.

Après avoir marché cinq ou six cents mètres sur notre droite, nous trouvons un sentier arabe tortueux, mais charmant, qui conduit à la forêt, nous dit notre guide. Nous le prenons ; à peu près à mi-chemin, nous faisons une halte (car la pente est raide) ; nous nous asseyons sur un petit talus. Il passa alors devant nous quelques oiseaux du pays. Mon maître tira, mais n’abattit rien ; plus loin il tire de nouveau, même insuccès : « Ce n’est pas possible, dit-il, ce fusil doit avoir un défaut quelconque. » Et pour bien s’en rendre compte, il tire dans un aloès. En effet, nous retrouvons seulement quelques grains de plomb éparpillés dans les feuilles de la plante. C’était un nouveau fusil à percussion que mon maître avait acheté pour aller à la chasse à la panthère ; il me passa alors cette arme défectueuse et, fronçant les sourcils, envoya une malédiction de choix à l’armurier peu scrupuleux qui la lui avait vendue… Je lui passai son ancien fusil qui était bien plus lourd, mais avec lequel il abattait une pièce à chaque coup.

Quand nous arrivons à la grande forêt, sur la hauteur, le soleil disparaissait à l’horizon, bien loin, derrière