Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voiture ; on peut tranquillement admirer le paysage ; on passe entre de hautes montagnes, puis subitement on entend un bruit infernal. « Nous franchissons les Portes de Fer, me dit alors Monsieur, et nous sommes maintenant en Kabylie, pays que j’ai parcouru à cheval, il y a quelques années et qui m’a laissé des souvenirs bien étranges… Vous savez que le Kabyle est absolument différent de l’Arabe d’Alger. Autant ce dernier est paresseux, autant le Kabyle est courageux et ferré en affaires, il faut le voir chez lui, ce débrouillard ; il est de force à rendre des points à nos plus fins Normands. »

Nous voyons défiler une petite gare, puis un village coquet, formé de quelques maisons. Un peu partout des eucalyptus jettent une note gaie dans cette vallée : « C’est Thiers, me dit M. de Maupassant ; le village est petit, comme l’homme dont il porte le nom. Mais quel penseur était cet homme. Quelle dose énorme de travail il pouvait donner ! Quand on songe à ce moment pénible de la paix de 1871 ! » Le visage de Monsieur devient pourpre, comme toutes les fois, que, dans la conversation, le souvenir des Prussiens se réveillait en lui…

Il se tut et ferma les yeux ; il semblait vouloir dormir, pour ne plus penser à ces choses pénibles de 1870, qui faisaient saigner son cœur de patriote… Ainsi, les yeux clos, il se remit à parler, me faisant la description d’un intérieur kabyle, revivant les scènes inoubliables qu’il a si bien décrites dans le volume Au Soleil.

Vers 3 heures, nous arrivons à Soukahras. Après avoir gravi en vitesse la rampe de quatre cent cinquante mètres, on changea la machine spécialement affectée à la montée des trains de Duvivier à cette dernière localité.

Pendant cet arrêt, tout en marchant le long des quais,