Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/120

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conduit très loin, à perte de vue, tellement loin qu’à cette distance, ils nous paraissaient comme des petites bestioles naines.

Sur notre gauche, presque au bord du lac, nous voyons de grands murs blancs. Mon maître consulte son guide, et dit : « Ce sont les bâtiments de la ferme de M. Brolmann. » Nous suivons toujours la grande route ; un peu plus loin nous arrivons à un passage à niveau d’une voie ferrée, où les rails sont couverts de rouille. Mon maître me dit : « Voilà le commencement du chemin de fer qui ne va actuellement que jusqu’à Hammam-Lif, mais on doit le continuer prochainement vers l’intérieur de la province. »

Après un quart d’heure de marche, nous arrivons en face d’un vieux bâtiment qui forme un carré assez grand, mais qui est en très mauvais état ; les fenêtres sont toutes petites, il y en a de rondes et de carrées et toutes sont garnies de barres de fer. On croirait être en face d’une prison ou d’une ancienne forteresse. Des enfants sales, en guenilles, jouent dans un couloir sombre ; c’est l’entrée de cet immeuble bizarre. Une pierre grise, haute de plus de cinquante centimètres, forme le seuil, de sorte qu’il faut lever les jambes très haut pour le franchir.

Arrivé dans cette entrée, mon maître questionna le plus grand des gamins. Celui-ci, qui comprenait très bien le français, alla appeler la tenancière des bains maures. C’était une femme très haute sur jambes, d’une figure brune à l’ovale un peu allongé ; elle avait des hanches très accentuées. Tout en venant au-devant de nous, elle s’enserre la taille d’un tablier rayé, rose et rouge, et très avenante, nous dit : « Si vous désirez voir les bains, Messieurs, veuillez venir par ici, je vous