Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/147

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sûrement c’est humide, que c’est peut-être même fiévreux : « Oh ! certainement non, me répond-il, c’est trop près de la mer. Du reste, nous aurons un cheval et une voiture, pour que vous puissiez aller aux provisions et porter mon courrier à la poste. Dans la belle saison, j’aurai mon bateau en face, avec un bon corps mort et deux ancres, il n’y aura pas de danger… Ma mère viendra habiter avec moi, je suis sûr qu’elle se plaira beaucoup dans cet isolement. »

J’éprouvai un grand ennui en voyant prendre consistance cette combinaison qui, selon moi, ne convenait sous aucun rapport. En marchant sur la route, toujours un peu vite pour moi, car Monsieur avait le pas plus allongé, je ressentis un malaise ; il me semblait que déjà j’avais un peu de fièvre. Je voulais trouver le moyen de convaincre mon maître que cette maison ne répondait à rien de ce qu’il lui fallait, surtout pour l’acheter. « À quoi bon, dis-je. Monsieur a déjà la Guillette et bon nombre d’autres habitations ! » Tout en causant, nous étions arrivés à un endroit plus élevé, d’où l’on domine Cannes et la pointe de la Croisette ; plus loin les îles et, là-bas, un soleil rose envoyait ses rayons sur le cap Roux, comme s’il voulait mitrailler de ses feux cette masse de porphyre rouge.

Je dis : « Tout de même, ce côté-ci est plus beau, il y a plus de perspective que dans le fond du golfe Juan. — Oui, c’est beaucoup plus gai de ce côté et peut-être êtes-vous dans le vrai. Cette maison que nous venons de voir serait un peu loin. Mais que voulez-vous ? nous autres artistes, par moments, nous sommes toujours tentés de chercher la solitude. Et puis, il faut bien le dire, nous ne sommes pas toujours très pratiques en affaire. Ainsi à Marseille, je me suis rendu compte des