Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/154

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Au départ, mon maître disait à Son Altesse combien il était flatté de l’honneur de sa visite. Elle lui répondit : « Oui, oui, mon cher petit, chez moi tant que vous voudrez, mais ici, oh ! non, je crois que j’en serais malade… »

Le lendemain, en prenant son bain de vapeur, mon maître me dit : « J’ai tellement ri hier que j’en ai encore mal dans les côtes, et je compte sur une bonne sudation pour faire disparaître cela. »

Puis il se mit à parler de M. Alexandre Dumas ; il me raconta sa première entrevue avec lui : au premier abord, M. Dumas lui sembla dur et réservé, ne voulant pas se livrer, mais ce ne fut pas long ; avant la fin de la conversation, on s’était bien compris. « À partir de ce moment, je ne l’ai jamais vu que charmant ; c’est un littérateur de premier ordre, un homme du monde accompli. Puis, quelle belle et franche gaîté ! De plus, il est incomparable d’à-propos pour les bons mots et les jolies anecdotes. »


21 mai 1888. — À 6 heures du soir, M. de Maupassant m’envoie porter un mot chez M. Waldeck-Rousseau pour s’excuser de ne pouvoir aller dîner chez lui. Depuis la veille, il est pris d’une affreuse migraine dont il ne peut se débarrasser. À mon retour, il me dit que souvent M. Waldeck lui a conseillé d’une manière paternelle d’accepter la croix, mais Monsieur a toujours refusé. « Pourtant, ajouta-t-il, on devrait toujours tenir compte des sages conseils de gens aussi bien trempés ; eh bien ! quand je dîne chez lui, il me prend des envies folles de lui dire que c’est à sa cuisinière qu’il devrait donner le ruban, car c’est sûrement le premier cordon bleu de Paris. Nulle part je n’ai trouvé