Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus à cette société du monde distingué où l’on rit et que mon maître a fréquentée. C’est une bourgeoise du plus grand chic ; elle a tout à fait le genre de ces grandes dames qui ont été élevées soit aux Oiseaux, soit au Sacré-Cœur. Elle en a gardé les bonnes et rigides manières.

Je ne crois pas me tromper, je connais le cachet de ces maisons ; j’ai pu pendant plusieurs années l’apprécier chez des personnes d’un rang très élevé où j’ai servi avant d’entrer chez Monsieur. Je ne lui ai pas beaucoup parlé, mais je sens très bien par qui a été modelée cette intelligence qui ne se découvre pas et qui est d’une étendue surprenante.

Elle est d’une beauté remarquable et porte avec un chic suprême ses costumes tailleur, toujours gris perle ou gris cendré, serrés à la taille par une ceinture tissée en vrais fils d’or. Ses chapeaux sont simples et toujours assortis à la robe, et sur son bras elle porte un petit collet, si le temps est douteux ou à la pluie…


Le 3 juillet, nous sommes à Aix-les-Bains. Mon maître nous installe dans un pavillon dépendant de l’Hôtel de l’Europe. Ce joli nid est dans un chemin perdu, sur le coteau qui s’élève du côté du Revard. La vue y est belle ; on aperçoit la Dent du Chat, bien en face, qui domine la chaîne de montagnes contournant le lac du Bourget dans sa partie sud-ouest. M. de Maupassant prend ses repas à l’hôtel, puisqu’il n’est pas venu ici pour écrire, mais pour glaner des notes en vue de l’Âme étrangère.

Plusieurs fois dans la journée, il va à la Villa des Fleurs ; il suit de près et partout, autant que c’est possible, une princesse russe qui habite le pavillon occupé autrefois par l’impératrice Eugénie…