Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/239

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mente beaucoup leur valeur. Le lendemain de ce dîner, mon maître passa la revue de ses plats et les consolida. On ne saurait prendre trop de précautions !

Le 17 juin, vers 2 heures, Monsieur s’en va chez son éditeur pour le lancement de son nouveau livre. Notre cœur va paraître le 20, et, cette fois, il a du travail pour plusieurs après-midi. Mais il a quelque chose que je ne définis pas. Il tourne, me parle, je vois qu’il n’a pas cet enthousiasme qui accompagnait d’ordinaire la publication d’un de ses romans. Il finit par me dire : « Vous ne pouvez comprendre comme la partie commerciale m’est désagréable ! »


Fin juin.Notre Cœur a eu une bonne presse ; les éditions s’enlèvent. De ce côté, M. de Maupassant a lieu d’être satisfait. Il n’en est pas de même de sa santé. Pourtant, depuis un mois, il ne va pour ainsi dire plus dans le monde ; le soir, il n’a plus de chat à caresser, à brosser. Alors c’est de ses cheveux, à lui, qu’il s’amuse dans l’obscurité à faire sortir des étincelles électriques qui font, ma foi, assez de bruit sous le passage du peigne, surtout à la partie qui entoure ses oreilles. Il fait une promenade après son dîner, rentre, se repose avant de se coucher ; malgré ces ménagements, il dort mal. De 11 heures du soir à 2 heures du matin, il m’appelle toujours trois et quatre fois, soit pour une tasse de camomille, soit pour des ventouses à poser. C’est un procédé qui me paraît efficace, car, presque chaque fois, nous réussissons à faire disparaître la douleur ou tout au moins à la calmer.

La dame inconnue est revenue plusieurs fois. Son attitude n’a pas varié ; elle entre et sort toujours de même, ce n’est pas une cocotte ; quoiqu’elle soit trop parfumée, elle n’a rien des professionnelles, elle n’appartient pas non