Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/257

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Mon maître dit à Bernard d’aller le plus près possible de Sainte-Maxime, car il comptait débarquer avec le canot pour aller dire bonjour à son père… Bernard ne voulait pas dire non, mais il n’aimait pas se rapprocher de la côte Nord-Ouest du golfe de Saint-Tropez, connaissant les difficultés qui peuvent surgir dans ces parages pour la manœuvre par vent d’Est. Il s’arrangea pour naviguer plutôt vers la mer à droite, puis tira une bordée vers la côte.

Nous nous trouvions alors en face du sémaphore de Sainte-Maxime qui se trouve sur la mer, tandis que le pays est plus retiré du côté du golfe de Saint-Tropez. Le gardien était un parent de Raymond. Je sortis tous les pavillons et mon maître parlementa avec cet employé de l’État, qui habite une hutte perchée sur une partie élevée de la côte. Entre autres choses, il dit à Monsieur qu’il attendait la visite dans l’après-midi de M. de Maupassant père.

La conversation finie, Monsieur explorait la côte avec sa longue-vue, quand il aperçut quelqu’un qui agitait un mouchoir blanc en l’air. Il reconnut son père : « Comme c’est singulier, dit-il, cette manière d’agiter son mouchoir ! Ce n’est pas un salut, il le fait aller de gauche à droite, très vite, comme un signe de détresse. » J’étais en ce moment à l’avant, quand Bernard y arriva ; il jeta un regard rapide à la mer et d’un bond fut au milieu du bateau, commandant la manœuvre ; mon maître sauta sur la barre que Raymond tenait et, en un instant, le svelte Bel-Ami avait viré sur sa gauche, comme une barque qu’on aurait fait tourner sur elle-même d’un effort. Nous aperçûmes alors sur notre droite l’eau de couleur très foncée ; c’étaient les rochers, qu’elle couvrait d’un mètre ou deux au plus, qui lui donnaient cette