Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/281

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Doms d’Avignon… » À vrai dire, je n’ai pas rencontré dans cette figure tout ce dont j’ai besoin pour mon type de femme. Cependant, j’ai vu là, dans cette expression de visage, le diamant brut que j’ai à tailler ; j’y ai perçu des détails d’art qui me serviront pour former les reliefs de mon sujet, que j’espère arriver à rendre d’une manière saisissante, touchant de près à la perfection. Je vais, du reste, dans mon Angelus, donner toute la puissance d’expression dont je suis capable ; tous les détails y seront soignés avec une minutie qui n’aura rien de fatigant. Je me sens admirablement disposé pour faire ce livre, que je possède si bien et que j’ai conçu avec une facilité surprenante. Ce sera le couronnement de ma carrière littéraire, je suis convaincu que ses qualités enthousiasmeront tellement le lecteur artiste qu’il se demandera s’il se trouve en face de la réalité ou d’un roman… »


Nîmes, 1er  juillet. — Mon maître photographie les principaux monuments romains et nous faisons l’ascension de la tour Magne, au sommet du mont Cavalier. Le panorama qu’on embrasse de sa plate-forme est vraiment merveilleux, mon maître ne se lassait pas de l’admirer…

Le lendemain, à 8 heures du matin, nous roulons en voiture sur la grande route blanche qui conduit au pont du Gard. Des batteries d’artillerie, qui se rendent à Nîmes pour une revue, avancent dans un tourbillon de poussière si épais qu’on n’y voit plus. Mon maître tousse un peu, mais ne se plaint pas ; toute son attention est attirée par les canons que nous croisons. Deux cents pas avant d’arriver au restaurant du pont du Gard, des cris de volailles effrayées se font entendre sous bois, à notre gauche. Mon maître saute à bas de la voiture et