Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/290

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le lit de mon maître de l’autre côté de la chambre. Des couvertures, des plaids et des tentures, que la propriétaire a bien voulu nous donner, sont tendus le long de la cloison de séparation ; et, ma foi, ce capitonnage un peu épais forme un assez bon isolateur. Le même bruit continua les nuits suivantes, mais assez atténué pour permettre de se reposer.

En exécutant ce travail de nouvelle installation dans sa chambre, Monsieur me raconte comment il a découvert Mme X… : « C’était, me dit-il, au printemps de 1883, je passais à Andrésy, en yole bien entendu. Après avoir contourné l’île et donné un coup d’œil au barrage de Fin-d’Oise, je fis demi-tour et j’eus le désir d’aller, sur cette bande de verdure entourée d’eau, prendre un peu le frais et me reposer. J’accroche ma yole, je marche dans un fouillis de ronces. À cette époque, ce coin était encore un peu sauvage, aujourd’hui c’est aussi visité que la Jatte. Je me dirige vers un orme que je voyais garni très bas de petites branches me promettant un peu d’ombre. En approchant, je m’aperçois que la place est occupée. J’hésite… Est-ce un homme, est-ce une femme ? En passant à une petite distance, je reconnais que c’est une femme qui a un chapeau de canotier et un maillot.

« Juste à ce moment, elle relève un fichu sur ses épaules, probablement parce qu’elle sentait la fraîcheur. Je suis fixé, cette dame lit un livre, là, toute seule. Cela me sembla drôle. Est-elle bien seule ? Là est la question. En me rapprochant un peu, je reconnais qu’elle lit Une Vie avec une attention dévorante. Alors je me dis que cette particularité va faciliter les présentations. Je vais me promener sous la belle allée des tilleuls d’Andrésy. Vers les 6 heures, un quidam va, avec une barque,