Page:Tassart - Souvenirs sur Guy de Maupassant, 1911.djvu/300

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

16 décembre. — Vers le soir, il se promène dans son bout de jardin et revient toujours tourner autour de sa corbeille d’œillets. Parfois il se baisse pour les admirer de plus près ; il y en a déjà de fleuris et des milliers de boutons sont près d’éclore… Je suis dans un coin avec Bernard, en train de nettoyer le tricycle. Mon maître me dit que je peux en disposer, car c’est un instrument trop dangereux dans ces pays de montagnes…


Le jour de Noël, je vais à bord avec mon maître, pour faire une sortie, mais le vent est tombé ; puis c’est fête pour les matelots. Quand je reviens à la maison, il est déjà rentré, et il me demande s’il n’est pas trop tard pour que je lui prépare un bain. Je me hâte, le bain est bientôt prêt. Il dîne très bien après ce bain.

Le soir, Bernard accompagne Raymond qui venait coucher au chalet. Mon maître les entend et vient leur dire bonsoir à la cuisine. On en arrive à parler fête et religion. M. de Maupassant nous dit alors que la première nouvelle qu’il écrirait serait le Moine de Fécamp et, en quelques mots, il nous expose son sujet. Il avait vu dans un grenier de Fécamp un moine qui vivait retiré depuis des années. « Par la femme qui lui portait sa nourriture, j’ai su, dit-il, bien des choses curieuses. Ce moine, je l’ai vu à deux reprises ; je suis sûr qu’il est loin de se douter comme je vais l’assaisonner. Je veux le présenter sous des formes inattendues, et l’Ermite de l’Estérel ne comptera plus après ce type fameux. »

Et nous tous de rire avec lui de ces êtres étranges qui se toquent de solitude et quittent les sentiers battus pour se jeter au désert comme les saints de la Thébaïde.

« Vous vous rappelez, me dit à ce sujet M. de Maupassant, les cérémonies nocturnes de nos voisins à Divonne ;