Page:Tastu - Poésies complètes - 1858.djvu/54

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Mais contre Érin l’injuste sort conspire.
Le seul flambeau qui nous guide aux honneurs,
A ce bûcher où la patrie expire,
Doit emprunter ses funèbres lueurs.

Ne blâmez point la molle rêverie
Qui m’aide à fuir les pensers glorieux :
Je ne puis rien aux maux de ma patrie ;
Je veux du moins en détourner les yeux.

Ah ! qu’un rayon, qu’un éclair d’espérance,
Perce la nuit qui voile mon pays !
Qu’un seul guerrier ose saisir la lance,
Qu’un seul instant à mes vœux soit promis !
Entre mes mains la coupe déjà prête
Verra ses flots à mes pieds répandus ;
Du myrte oisif, arraché de ma tête,
Je couvrirai le fer d’Harmodius

Ne blâmez point la molle rêverie
Qui m’aide à fuir les pensers glorieux
Je ne puis rien aux maux de ma patrie ;
Je veux du moins en détourner les yeux.

Trompeur délire ! espérance insensée !
Erin, Erin, antique amour des mers,
Tu n’as gardé de ta gloire passée
Qu’un souvenir qui vivra dans mes vers.
Mes chants, portés sur les vagues lointaines,
A l’univers rediront tes malheurs ;
Et nos tyrans, même en rivant tes chaînes,
S’étonneront de répandre des pleurs.

Ne blâmez point la molle rêverie
Qui m’aide à fuir les pensers glorieux :
Je ne puis rien aux maux de ma patrie ;
Je veux du moins en détourner les yeux.