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DANTE.

Puis, après un moment, avec un front plus doux :
« Cesse de vains efforts ; mes chants sont là pour tous ;
» C’est l’arche qu’on adore et de cœur et de bouche,
» Mais qui frappe de mort l’imprudent qui la touche !
» Ce que j’ai dit est dit : à quoi bon répéter
» Un son pour l’affaiblir, un mot pour le gâter ?
» Apprends qu’un jour, faussé par un grossier manœuvre,
» J’ai fait de ses outils comme lui de mon œuvre.
» Tais-toi donc ! ou plutôt, si tu veux une fois
» Chanter sans que ma voix couvre ta faible voix,
» Écoute : et que ces mots restent dans ta mémoire.
» Alors que Buonconte m’eut dit, au Purgatoire,
» Sa dernière pensée et ses derniers instans,
» Dans le groupe plaintif des Esprits pénitens
» Un autre encor parla : celui que je veux dire
» Avait nom la Pia. Je plaignis son martyre,
» Et demandai son crime, en ce monde ignoré :
» Je l’appris, et me tus : elle avait tant pleuré !…
» J’eus tort, je le confesse ; une pitié plus haute
» Pour abréger la peine eût publié la faute ;
» Car le poids de la honte allège le péché.
» Toi donc, tu rediras ce que j’avais caché. »
Alors il commença. Mais ce divin génie
Ne m’a point enseigné sa natale harmonie,
Langage, où le mot peint et chante tour à tour,
Doux comme le moment, où par le chaud du jour
Un vent subit, du sein de quelque frais ombrage,
S’élance en frémissant et vous frappe au visage ;
Aussi mélodieux que le creux du rocher,
Dont l’avide passant se hâte d’approcher,