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PEAU-D’ÂNE.

En rougissant promettaient leur ombrage.
Cherchant sa route entre leurs troncs moussus,
Son pas bientôt, plus rapide et plus ferme,
La conduisit près des murs d’une ferme
Que ses regards n’avaient point aperçus.

Dans le préau, la fermière fâchée,
La gaule en main, rassemblait à grands coups,
De ses dindons la troupe effarouchée.
Peau-d’Âne approche, et, d’un ton humble et doux,
Implore d’elle asile et nourriture.
— Vraiment, dit l’autre, à chaque créature
J’irai donner le pain que je ferai !
Pour le gagner n’êtes-vous pas trop fière ?
J’ai renvoyé tantôt ma dindonnière ;
Prenez sa place, et je vous nourrirai.

Ce cœur royal, en acceptant, soupire.
Déjà repose entre ses belles mains
Le bois pliant, sceptre de son empire :
Ses noirs sujets gloussent par les chemins.
« — Avoir pour trône une herbe fraîche et douce,
Pour dais l’ombrage, et pour tapis la mousse,
Se disait-elle, est assez de mon goût ;
Je règne ici ! » Vient le garde-champêtre :
— Oh ! là ! plus loin menez vos dindons paître,
De par la loi ! — Ce mot-là gâtait tout.

Comme au bain tiède, où les vertus romaines
Perdaient leur sang d’un insensible cours,