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vous avez si souvent manifesté dans vos Mémoires qu’on ne vous envoyât pas tant de lettres. Aujourd’hui, je me sens poussé cependant à venir rompre la consigne.

Une personne pieuse, etc. (Ceci est une communication d’ordre privé, qui n’a pas à être reproduite.)

Mais ce que je désirais avant tout, c’était de vous adresser mes humbles encouragements au milieu des souffrances morales dont votre noble cœur est assailli en ce moment. Vous n’ignorez pas qu’une guerre acharnée est déclarée contre vous. Non seulement on révoque en doute l’authenticité de vos révoltions précieuses sur la Maçonnerie ; mais on révoque en doute votre existence même. Les bruits les plus contradictoires circulent sur votre compte et les échos s’en sont répercutés en haut lieu.

J’avais des preuves matérielles et psychologiques non seulement de votre existence, mais de ta sincérité de votre conversion. Grâce à elles, j’ai eu l’occasion et je dirai le bonheur de vous défendre énergiquement, dans plus d’une circonstance. Je ne vois, dans cette guerre qui vous est déclarée, qu’une manœuvre infâme de celui que plus que tout autre vous connaissez pour être le Père du mensonge.

Je ne suis pas tout à fait un inconnu pour vous. Secrétaire du Cardinal Parocchi, j’ai eu la joie de vous écrire en son nom, il y a bientôt un an, pour vous consoler et vous encourager dans votre œuvre sublime qui est de révéler à la face du monde le véritable but de la Maçonnerie, celui que j’avais toujours soupçonné, le culte de Satan.

Pour vous venir en aide, je ne puis vous apporter que le concours de mes faibles prières, mais de mes plus chaudes sympathies.

Continuez, Mademoiselle, par votre plume et par votre piété, à fournir des armes pour terrasser l’ennemi du genre humain. Tous les saints ont vu leurs œuvres combattues ; il n’est donc pas étonnant que la vôtre ne soit pas épargnée.

La Communauté des Sœurs Carmélites de l’Adoration Réparatrice établie ici à Rome, dans la maison habitée autrefois par Sainte Brigitte de Suède, et dont je suis le père spirituel, a déjà beaucoup prié pour vous, et elle me charge de vous assurer qu’elle le fera plus que jamais.

Veuillez, Mademoiselle, me pardonner mon indiscrétion et agréer mes plus vifs sentiments d’admiration et de respect.

(Ainsi signé :) A. Villard,
Prélat de la Maison de Sa Sainteté,
Secrétaire de S. Ém. le Cardinal Parocchi.


Oui, l’on peut déverser sur moi les plus sanglants outrages. Comment mon honneur ne sortirait-il pas vainqueur de cette longue épreuve, puisque ceux et celles qui prient par vocation adressent chaque jour au ciel leurs prières pour moi ?…

J’avoue que cette lettre me rendit encore plus confuse qu’elle ne me consola, et ce n’est pas peu dire. Mais puisqu’une poignée de braves luttaient pour le triomphe de la vérité, je pensai aussi qu’il était de mon devoir de leur communiquer cette lettre, afin de leur montrer que la trahison du docteur Bataille n’avait pas troublé les yeux des vrais voyants. Mes amis tinrent conseil entre eux et jugèrent que la lettre de Mgr Villard devait être publiée ; c’est pourquoi je viens de la reproduire à mon tour, comme serait un ordre du jour, adressé non à ma personne indigne, mais à la cause elle-même, pour laquelle nous combattons les uns et les autres avec bonheur et saint espoir.

La secte se croyait alors victorieuse ; la réussite de sa manœuvre l’enivrait et l’enivre. La lettre du docteur Bataille ayant paru, le feu ayant été mis