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j’étais assaillie par d’horribles cauchemars, toujours d’un caractère de persécution ; je me réveillais au milieu d’une scène de torture, où j’étais la victime et où les divers principaux diables étaient mes bourreaux. Une prière : je retrouvais le calme ; paisiblement, je me rendormais, et bientôt ces assauts en songe recommençaient. Le matin, à mon lever, j’avais le corps tout endolori, comme ayant été rouée de coups.

Dans la première quinzaine d’août, cela était devenu tout-à-fait intolérable. C’est pourquoi, à la lecture de la dernière lettre de la supérieure, le lundi 12, je pris une résolution. Pourquoi n’irais-je pas passer de nouveau quelques jours au couvent, où j’avais été si bien accueillie ? Je me dis : je consolerai cette chère Mère, et, en même temps, j’aurai sans doute plus de tranquillité pendant les jours qui s’écouleront de la fête de l’Assomption jusqu’au 24 ou au 25. Je ne comptais pas demeurer plus longtemps dans le saint asile !

Du 17 au 24, c’était la durée du grand pèlerinage de Lourdes. Je savais que des pèlerins pauvres y devaient prier spécialement à mon intention. Eh bien ! moi, au couvent, j’unirais mes prières aux leurs, ne pouvant les accompagner. En outre, j’avais l’espoir que, chez les vierges du Seigneur, mes nuits seraient tout au moins soulagées.

Voici, maintenant, ce qui s’est passé :

Le mardi, de bon matin, après avoir écrit quelques lettres urgentes, je quitte la famille amie chez qui j’ai ma retraite ; une personne sûre, seule, m’accompagne. Je l’appellerai ici Bridget (Brigitte), nom qui n’apprendra rien aux agents de Simon ; je choisis ce nom, parce qu’il signifie : « qui procure la sécurité ». Nous sommes donc en route.

Le lendemain, je laisse Bridget, à mi-journée. Tout à l’heure, on comprendra l’utilité de cette mesure. Beaucoup de mes nouveaux amis prennent encore la peine de s’inquiéter à mon sujet ; je leur en sais gré, mais ils verront que j’ai tout réglé avec la plus grande prudence.

Il était déjà assez tard dans la soirée, quand, pour la seconde fois, je frappai à la porte du couvent. Lors de mon dernier séjour, une phrase à télégraphier en route avait été convenue entre la supérieure et moi, pour lui annoncer mon retour. J’étais donc attendue, sans que personne pût soupçonner mon arrivée ; même, au télégraphe, rien ne peut donner l’éveil. Je n’en dis pas davantage mais, pour une bonne fois, que mes amis se rassurent : je suis parfaitement au courant de tous les procédés usités dans la diplomatie, pour rendre impossible le « filage » d’une correspondance ; j’en ai usé souvent et j’en userai encore, au nez et à la barbe de Lemmi, de ses limiers, et des cabinets noirs.