Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/12

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l’affaire des photographies Buguet, et l’on va voir dans un instant comment ce mariage tout à fait hors de l’ordinaire se rattache à la photographie spirite.

Les invités, tous dans le secret de l’étrange aventure, se réunirent au domicile de Wladimir, où il fut procédé à la cérémonie conjugale, avant le balthazar de rigueur.

Si je suis bien informé, c’est Leymarie qui présidait et qui remplaça à la fois l’officier de l’état civil et le ministre du culte, pour cette union bizarre. La table-gigogne avait été revêtue d’un voile de mariée et d’une couronne de fleurs d’oranger.

On imita les formalités que tout le monde connait. Le président de la réunion intime posa les questions d’usage. On assure que la table répondit « oui » à la mode spirite. Les uns pensèrent qu’il y avait un truc ; les autres, qu’on avait vraiment affaire à un esprit-femme. Personne n’eut l’idée d’une manifestation diabolique. Le démon joua si bien son rôle que, Leymarie ayant demandé à la table-gigogne d’où venait l’esprit qui s’était établi en elle, les coups qu’elle frappa du pied donnèrent cette réponse :

« — J’habitais auparavant la planète Jupiter. »

Ce qui correspondait exactement à l’une des croyances des pseudo-spirites, lesquels, on ne l’ignore pas, s’imaginent que les âmes, après la mort, vont résider dans des planètes.

Ainsi, le démon agissait d’une façon indiscutable parmi les mystificateurs et les mystifiés, et, tout en se manifestant, il les trompait, il les entretenait habilement dans leur erreur. Allez donc dire après cela, aux naïfs invités de Wladimir, qu’il n’y a pas de peresprit !

Les manifestations, cependant, s’arrêtèrent là. Le repas ne fut marqué par aucun fait anormal. La mariée table-gigogne avait été placée auprès de son époux spirituel, qui rayonnait depuis l’instant où Leymarie avait prononcé le sacramentel : « Je vous unis. » On but, à de fréquentes reprises, à la santé et au bonheur du couple, et chacun emporta de cette journée un souvenir ineffaçable.

Les premiers mois de l’hymen se passèrent, pour Wladimir, dans une satisfaction des plus suaves. Durant des heures entières, il conversait avec sa table-gigogne, qui, pour lui seul, se livrait à des jeux tenant du prodige. Elle ouvrait brusquement et allongeait ses tablettes, puis les rentrait de même, manifestant ainsi comme une gaité folle. Elle venait au-devant de lui, quand il rentrait du restaurant ; car il prenait son repas dehors, Satan ne poussant pas la complaisance jusqu’à lui faire la surprise de déjeuners et de dîners qu’on n’aurait pu certes pas qualifier de tombés du ciel. Elle exécutait devant lui des danses, pirouettant sur un pied, se balançant avec mollesse