Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 1.djvu/127

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tristes les réflexions que fit naître en moi un tel spectacle. Trois mois après, le souvenir de cet événement se présenta à mon esprit dans les circonstances suivantes :

« Un soir, à l’époque où j’étais sujet à avoir tous les jours de ces visions, je lisais la vie de Chricton par Tittler ; ma famille s’était retirée depuis longtemps, et je me proposais, après avoir fini mon livre, d’aller me coucher, quand j’aperçus sur ma table un billet de faire part pour assister aux funérailles de la mère de D… Cette nouvelle donna naturellement une couleur sombre à mes pensées. Je me couchai et je venais d’éteindre la bougie, lorsque je sentis qu’on me saisissait le bras au-dessous de l’épaule et qu’on le pressait avec force contre le flanc. Je luttai pour me débarrasser et m’écriai : Laissez mon bras. J’entendis alors distinctement ces paroles prononcées à voix basse : Ne soyez pas effrayé. Je répliquai soudain : Permettez-moi d’allumer la chandelle. Alors, on me lâcha le bras. Je me dirigeai aussitôt vers un coin de l’appartement pour allumer la lumière, ne doutant pas qu’il n’y eût quelqu’un dans la chambre. J’éprouvai en cet instant un malaise, un étourdissement et une faiblesse qui furent sur le point de m’accabler. Je réussis cependant à allumer la chandelle, et me tournant vers la porte, je contemplai la figure de l’infortuné D…

« Par une impulsion dont je ne puis me rendre compte, je m’avançai vers apparition ; elle reculait à mesure, et descendit les escaliers jusqu’à ce que nous fussions arrivés à la porte, où elle s’arrêta. Je passai près d’elle, et j’ouvris la porte de la rue ; mais en ce moment j’eus un tel étourdissement que je tombai sur une chaise et laissai échapper de mes mains le flambeau.

« Je ne puis dire combien de temps je restai en cet état. J’eus de la fièvre et de l’insomnie pendant toute la nuit, et le jour suivant je ressentis du malaise.

« Quoique la figure n’eût pas été très visible, je distinguai les différentes couleurs des habits que D… portait pendant sa vie. Cependant, je ne regardai pas un seul instant cette vision comme réelle. »


Après les cas qui viennent d’être exposés, une réflexion se présente tout naturellement à l’esprit : tous les hallucinés précédents sont des personnages non adonnés aux pratiques de l’occultisme ; mais un évocateur peut-il être halluciné ?

À cette question, je n’hésite pas à répondre : Oui.

Le démon ne se dérange pas pour quiconque l’appelle ; ceci est bien connu. Il peut donc arriver qu’un évocateur, même sataniste, à force de diriger toute sa volonté vers son but constant, qui est de voir le diable, finisse par